Le Sûtra du Coeur; initiation à l'espace non égotique

Il y a déjà des années que je vous parle de l'égo, mais rarement de l'espace non égotique. Si je devais pointer l'élément le plus important de ce blogue, j'indiquerais celui-ci. La méditation sert à reprendre le fil du présent, consciemment. Notre esprit nous sépare du réel. Pour sortir de la tête, il faut d'abord plonger en soi. Un soi beaucoup plus vaste que l'égo nous laisse croire. Nous sommes infinis et loin d'être séparés des uns et des autres.

L'espace non égotique incarne toute vie. C'est le créateur. L'étincelle qui engendre ce que nous sommes. L'intelligence du coeur et la conscience. Le non-égo représente notre coexistence, la Pleine Conscience ; l'articulation des éléments qui nous composent : nos cellules animales, végétales et minérales. Sans cette alliance, il nous est impossible de nous incarner. Cela prend de l'amour ! Un amour qui donne et ne prend pas. Loin de la possessivité, il s'agit d'équanimité et d'une harmonie. Un amour qui ne favorise pas une forme, mais qui les honore toutes ! Dans chacune de nos cellules se trouve l'entièreté des éléments du cosmos qui s'activent dépendamment. Pour qu'il y ait de la vie, cela prend une communication : une interaction entre toutes les composantes organiques et invisible où l'Alpha et l'Omega ne font qu'un. L'espace non égotique est l'alliage qui maintient le tout. Notre existence provient de cette pulsion. Un entretien céleste et terrestre. Pour exister, nous devons être interreliés. Sans cette relation, nous n'avons pas de corps ni de présence. 

Après notre naissance, nous dépendons d'abord de nos parents et d'une communauté. Pour boire, manger, nous chauffer, nous rafraichir et respirer nous avons besoin de la terre, de l'espace et de nous rencontrer. Le lien s'impose.

Dans cette matrice où nous baignons tous, il n'y a pas de dieu ni de chef d'orchestre. C'est la participation de chaque particule qui crée l'œuvre. Le miracle de ce que nous sommes. L'auteur de nos vies n'a pas de corps ni d'identité. Les Bouddhistes l'appellent Śūnyatā, la vacuité. Certains méditants nomment ce phénomène la Mère divine, les Chrétiens réfère au souffle de Dieu. En yoga, ce phénomène est appelé l'énergie vitale activée, la kundalini. May the force be with you ! ;)

Chaque être vivant sur terre : les humains, les plantes, les animaux et la terre sont faits des mêmes éléments : air, terre, eau, feu et espace. Ce qui différencie se sont des combinaisons organiques. Au-delà de la forme, il y a ce tissu invisible et très vivant qui nous allie : l'espace non égotique. Ce qui crée de la séparation, c'est notre esprit.

Les pensées de séparation faussent la réalité. Ce que nous croyons être nous provient des effets du corps : les sensations, les émotions et les pensées. Le cerveau stimulé par les réflexes de survie alimente cette croyance. 

L'espace non égotique représente notre vraie nature : celle qui n'est pas séparée par l'esprit. 

Nous le redécouvrons par un intervalle, un moment de lucidité passager. Ce vide est en tout: les phénomènes de l'égo, les sensations, les choses, les idées et le corps que nous croyons être « nous ». C'est là où tout naît et tout meurt. Il matérialise. Il nourrit notre corps, remplit nos poumons. Il nous souffle nos pensées, nos émotions et de nos sensations. Il nous anime. 

Pour arriver à le discerner, il nous faut lâcher-prise. Mais comment ? Quelles sont les différences entre une perspective de l'égo et celle de l'espace non égotique lorsque les effets du corps nous bousculent ? L'égo sépare. Il tente de contrôler nos émotions, nos pensées et nos sensations par de la peur. Il s'agit de l'instinct de survie. L'espace non égotique donne de l'énergie. Il ne cherche pas l'approbation de personne ni ne recherche la sécurité. Il est le foyer, l'amour et la liberté. Notre refuge. 

Fondamentalement, nous sommes l'espace non égotique. Mais notre cerveau conditionné par l'égo nous empêche d'y accéder consciemment rapidement. La peur et les projections nous voilent l'esprit. 

L'espace non égotique fait partie de l'égo ! L'égo se construit avec le corps. Il le protège. L'espace non égotique renferme le germe de tout ce qui est vivant. Il enfante et déconstruit. Ce qui meurt retourne à cet espace, comme un möbius géant.

Vous l'avez reconnu au moment d'une dispute, d'une idée de contrôle, de sécurité ou de reconnaissance. Vous étiez dans la résistance et tout à coup, vous avez constaté à quel point cela était futile et vous avez lâcher-prise sur le besoin, car vous saviez que vous étiez en sécurité, que votre esprit était en paix et n'aviez plus besoin de validation, ni de contrôler. Vous étiez libres pour un court instant. Vous étiez conscients de l'espace non égotique.


L'exercice

Prenez le temps de vous déposer. Respirez consciemment. Qu'importe que vous soyez sur une chaise ou un coussin. L'important est de vous centrer sur ici et maintenant.

Observez votre esprit. Avec votre témoin ressentez ce qui se passe. Demeurez présent au plan d'ensemble. Quand vous vous sentez malmenez par la résistance, restez présent. Ne fuyez pas. Accueillez le moment.

Plongez dans le malaise tout en gardant vos jambes bien plantées au sol et reprenez votre souffle. Suivez-le quelques instants et reprenez votre observation d'ensemble. Ressentez votre bassin. Retournez au malaise. Plongez. 

Si vous persistez quotidiennement et laisser faire le processus, tôt ou tard vous retrouverez la vacuité au coeur même du tourment. Tout est dans la pratique.

Une fois que cet espace est touché, il n'y a rien d'autre à faire. Metta.


Voici l'un des plus vieux textes bouddhiques écrits il y a plus de trois mille ans. Ce texte résume l'ensemble du travail de la méditation pour la plupart des bouddhistes du monde entier. Le chemin vers soi, l'espace non égotique. 


Merci de le lire


Michèle Rhéaume

 

Sūtra du Cœur de la Perfection de Connaissance Transcendante
(traduction de l’Anagārika Prajñānanda, 1981)
Hommage à la Sublime, Noble Perfection de Connaissance Transcendante (Prajñā) !
Le Noble Bodhisattva Avalokiteśvara se mouvait dans le cours profond de la Perfection de Connaissance Transcendante ; il regarda attentivement et vit que les cinq agrégats (sensations) d’existence n'étaient que vides dans leur nature propre.
Ici Sāriputra (disciple du Bouddha), forme est vacuité (sūnyatā) et vacuité est forme ; forme n’est autre que vacuité, vacuité n’est autre que forme ; là où il y a forme, il y a vacuité, là où il y a vacuité, il y a forme ; ainsi en est-il des sensations, des notions, des facteurs d’existence et de la connaissance discriminative.
Ici Sāriputra, tous les phénomènes (dharma : phénomènes conditionnés et inconditionnés) ont pour caractéristique la vacuité ; ils sont sans naissance, sans annihilation, sans souillures et sans pureté, sans déficience et sans plénitude.
En conséquence, Sāriputra, dans la vacuité, il n’y a ni forme, ni sensation, ni notion, ni facteur d’existence ni connaissance discriminative ; ni œil, ni oreille, ni nez, ni langue, ni corps, ni mental ; ni formes, ni sons, ni odeurs, ni goûts, ni objets tangibles, ni objets mentaux ; ni élément de la vue jusqu’à ni élément de la connaissance mentale ; ni absence de Vue, ni cessation de l’absence de Vue jusqu’à ni déclin et mort, ni cessation du déclin et mort ; ni souffrance, ni origine, ni extinction, ni Sentier ; ni connaissance, ni obtention, ni absence d’obtention.
En conséquence, Sāriputra, le Bodhisattva, par sa qualité de « sans obtention », prenant appui sur la Perfection de Connaissance Transcendante, demeure, la psyché libre d’obstruction. N’ayant pas d’obstructions de la psyché, il est sans crainte, il a surmonté les méprises vers l’Eveil (nirvāna).
Tous les Eveillés (Buddha) qui se tiennent dans les trois périodes de temps, prenant appui sur la Perfection de Connaissance Transcendante, se sont pleinement éveillés du parfait et complet Eveil.
C’est pourquoi on doit connaître la Perfection de Connaissance Transcendante comme le grand mantra, le mantra de grande Vue, le mantra ultime, le mantra sans égal, celui qui soulage de toute douleur, essentiel, sans erreur. Par la Perfection de Connaissance Transcendante ce mantra a été proclamé ainsi :
« Allez, allez, allez au-delà, allez complètement au-delà, l'Eveil (Bodhi) soit réalisé (svāhā)! ».
Telle est la conclusion du Cœur de la Perfection de Connaissance Transcendante.
Texte tiré de Wikipédia: http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C5%ABtra_du_C%C5%93ur


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